Une décision récente de la Cour de cassation clarifie la question de la garantie des vices cachés dans le cas où l’acheteur n’utilise pas le bien conformément à sa destination normale.
Cette décision a été rendue dans l’affaire opposant la société Brenntag à l’Union de coopératives agricoles des vignerons des côtes du Luberon-Cellier de Marrenon.
Les faits de l’affaire sont les suivants : une société de distribution de produits chimiques industriels a fourni de l’acide chlorhydrique de qualité « technique » à une société qui l’utilisait pour traiter des lots de vin pour le compte d’une association de vignerons. L’association de vignerons a intenté une action en justice contre les deux sociétés, soutenant que l’acide fourni n’était pas adapté à un usage agroalimentaire et que la société fournisseur était responsable de vices cachés envers son cocontractant.
Dans un premier temps, une cour d’appel avait donné raison à l’association de vignerons en affirmant que l’acide livré était entaché d’un vice caché, car l’utilisation agroalimentaire de ce produit n’était pas interdite et qu’il n’était pas dans sa destination normale de contenir la molécule qui a altéré les vins.
Cependant, cette décision a été censurée par la Cour de cassation.
En effet, la Cour a considéré que le fournisseur n’avait pas été informé de l’utilisation agroalimentaire qui serait faite de l’acide chlorhydrique par l’acheteur, et que les conditions générales de vente du fournisseur précisaient clairement que le produit était de qualité industrielle standard, sauf stipulation contraire. Ainsi, il revenait à l’acheteur de s’assurer de la compatibilité du produit avec l’utilisation qu’il souhaitait en faire.
Rappelons que, selon l’article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de garantir l’acheteur des vices cachés qui rendent le bien vendu impropre à l’usage auquel il est destiné. Cependant, il a été établi par des décisions antérieures que cette garantie ne s’applique pas lorsque l’acheteur n’a pas précisé l’usage qu’il comptait faire du bien et que ce dernier a été utilisé à une fin à laquelle il n’était pas destiné.
Dans une autre affaire opposant les mêmes sociétés à une autre coopérative de vignerons, la Cour de cassation avait également jugé que le vendeur d’acide chlorhydrique n’était pas tenu d’informer l’acheteur professionnel sur les précautions d’emploi du produit, étant donné qu’il appartenait à ce dernier, qui choisissait un usage alimentaire, de demander les caractéristiques et spécifications du produit.
Cette décision de la Cour de cassation apporte donc une clarification importante concernant la responsabilité du vendeur en cas d’utilisation non conforme du bien vendu.
Il est essentiel de noter que cette décision ne décharge pas le vendeur de toutes les responsabilités. En effet, si l’acheteur informe clairement le vendeur de l’usage spécifique qu’il compte faire du bien et que ce dernier se révèle inapte à cet usage, le vendeur peut être tenu responsable des vices cachés.
Il est donc recommandé aux acheteurs de communiquer de manière précise et détaillée leurs besoins et exigences lors de l’achat de biens, en particulier s’ils diffèrent de l’usage habituel auquel le bien est destiné. De plus, il est conseillé de vérifier attentivement les spécifications techniques et les conditions générales de vente du vendeur afin de s’assurer de la compatibilité du produit avec l’utilisation prévue.
Pour nos clients chefs d’entreprises, cette décision de la Cour de cassation souligne l’importance d’une communication claire et transparente avec les clients lors de la rédaction des contrats. Il est primordial de documenter soigneusement les discussions relatives à l’usage prévu du bien vendu afin de prévenir tout litige ultérieur lié aux vices cachés.
En conclusion, la récente décision de la Cour de cassation confirme que le vendeur n’est pas tenu responsable des vices cachés si l’acheteur n’utilise pas le bien conformément à sa destination normale, à condition que le vendeur n’ait pas été informé de l’usage spécifique prévu et que les conditions générales de vente du vendeur précisent clairement les caractéristiques du produit. Cette décision souligne également l’importance d’une communication claire et détaillée entre les parties lors de la conclusion d’un contrat.
N’hésitez pas à contacter les avocats du cabinet YTEA AVOCATS CONSEILS pour toute question ou assistance juridique concernant vos contrats commerciaux et la responsabilité liée aux vices cachés.
Me Marie-Christine RUETSCH